Que deviennent les forfaits et eSIM des personnes décédées ?
Avec plus de 643 000 décès enregistrés en France en 2024 selon l’INSEE, la question de la gestion des abonnements téléphoniques et des données numériques des défunts devient un enjeu sociétal majeur. Entre démarches administratives complexes, évolution technologique vers l’eSIM et cadre juridique en mutation, les familles endeuillées se retrouvent confrontées à un parcours souvent méconnu.

Un phénomène amplifié par le vieillissement démographique
La France fait face à une réalité démographique incontournable : le nombre de décès augmente de manière structurelle depuis plus d’une décennie. Selon les données définitives de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), 643 168 personnes sont décédées en France en 2024, dont 90,1 % avaient au moins 60 ans. Cette tendance haussière, qui s’explique principalement par l’arrivée à des âges de forte mortalité des générations nombreuses du baby-boom nées entre 1946 et 1974, engendre mécaniquement une multiplication des situations où les proches doivent gérer les abonnements du défunt.
L’âge moyen au décès atteignait 79,4 ans en 2024, avec une différence notable entre les hommes (75,8 ans) et les femmes (82,9 ans). Ces personnes âgées disposaient pour la plupart d’un téléphone mobile, voire de plusieurs abonnements numériques, qu’il convient de résilier ou de transférer après leur disparition. La problématique se complexifie avec l’avènement des technologies dématérialisées comme l’eSIM, qui introduisent de nouveaux défis dans la gestion successorale des abonnements télécoms.
Un cadre juridique protecteur mais méconnu
Le droit français encadre précisément les conditions de résiliation d’un abonnement téléphonique en cas de décès. La loi Chatel du 28 janvier 2005, renforcée par les dispositions du Code de la consommation, reconnaît le décès comme un motif légitime de résiliation anticipée. L’article L.121-84-2 du Code de la consommation stipule que la clôture du contrat doit être effective dans les dix jours francs suivant la réception du courrier de résiliation par l’opérateur.
Cette qualification de « motif légitime » revêt une importance capitale : elle permet aux héritiers de mettre fin à l’abonnement sans frais, même si le contrat comportait une période d’engagement non échue. Les opérateurs ne peuvent donc pas facturer de pénalités de résiliation anticipée, quelle que soit la durée restante de l’engagement initial. Toutefois, le délai recommandé pour effectuer cette démarche est d’un mois suivant le décès, afin d’éviter tout litige concernant les factures émises entre-temps.
Par ailleurs, la loi pour une République numérique du 7 octobre 2016 a considérablement élargi les droits des héritiers en matière de gestion des données personnelles du défunt. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) précise que l’article 85 de la loi Informatique et Libertés permet aux ayants droit de demander la clôture des comptes utilisateurs, la suppression des données personnelles ou leur communication lorsqu’elles sont nécessaires au règlement de la succession.
Démarches pratiques : un parcours administratif balisé
Les documents indispensables
La résiliation d’un forfait mobile après un décès nécessite la constitution d’un dossier documenté. Les héritiers devront généralement fournir une copie de l’acte de décès délivré par la mairie, une pièce d’identité du demandeur, les informations contractuelles du défunt (numéro de téléphone, numéro de client, références du contrat) et, selon les opérateurs, une attestation de qualité d’héritier ou un acte de notoriété.
Le portail officiel Service-Public.fr, édité par la Direction de l’information légale et administrative, met à disposition des usagers un modèle de lettre de résiliation spécifiquement conçu pour cette situation. Ce formulaire type facilite les démarches et garantit que tous les éléments requis sont communiqués à l’opérateur concerné.
Procédures par opérateur
Chez Orange, la résiliation peut s’effectuer par courrier recommandé avec accusé de réception ou via un formulaire en ligne dédié. Le service client est joignable pour accompagner les familles dans cette démarche. SFR propose également deux voies : le contact préalable avec le service client au 1023 pour obtenir toutes les informations nécessaires, suivi de l’envoi d’un courrier recommandé. Free et Bouygues Telecom appliquent des procédures similaires, avec une prise en compte de la demande sous quelques jours après réception des justificatifs.
Pour les forfaits sans engagement, la procédure peut être simplifiée si les héritiers disposent des identifiants de connexion à l’espace abonné. La résiliation peut alors s’effectuer directement en ligne. Toutefois, l’envoi d’un courrier recommandé reste la méthode la plus sécurisée pour conserver une trace de la demande.
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Le cas particulier de l’eSIM : une complexité technologique nouvelle
L’essor de la technologie eSIM (embedded SIM ou carte SIM intégrée) introduit une dimension supplémentaire dans la gestion des abonnements des personnes décédées. Contrairement à la carte SIM physique traditionnelle, l’eSIM est directement intégrée dans l’appareil et ne peut être simplement retirée. Cette caractéristique technique soulève des questions inédites pour les héritiers.
La désactivation d’un profil eSIM nécessite généralement l’accès au smartphone du défunt, protégé par un code PIN, un mot de passe ou une authentification biométrique. Sans ces éléments, les héritiers doivent obligatoirement passer par l’opérateur pour procéder à la résiliation. Les profils eSIM étant liés à un compte opérateur, leur gestion reste possible via les procédures classiques de résiliation, mais l’absence d’accès physique au support complique parfois les vérifications d’identité.
Les grands fabricants de smartphones ont progressivement intégré des fonctionnalités de gestion post-mortem. Apple propose depuis décembre 2021 la désignation de « contacts légataires » pouvant accéder aux données iCloud après le décès du propriétaire. Google offre un « gestionnaire de compte inactif » permettant de définir les actions à entreprendre après une période d’inactivité prolongée. Ces outils, encore méconnus du grand public, constituent pourtant des solutions précieuses pour faciliter la transmission de l’héritage numérique.
Au-delà du forfait : l’enjeu de l’héritage numérique
La gestion du téléphone d’un défunt ne se limite pas à la résiliation de son forfait. Le smartphone concentre aujourd’hui une part significative de la vie numérique d’une personne : comptes bancaires en ligne, réseaux sociaux, messageries, services de streaming, applications professionnelles. Selon une enquête Harris Interactive-CNIL réalisée en novembre 2024, près d’un tiers des Français déclare avoir déjà été confronté à des contenus émanant de comptes de personnes décédées sur les réseaux sociaux.
L’Oxford Internet Institute estimait en 2019 qu’en 2070, le nombre de comptes appartenant à des personnes décédées pourrait dépasser celui des utilisateurs vivants sur les réseaux sociaux. Cette projection illustre l’ampleur du défi posé par la « mort numérique ». La CNIL a établi une liste détaillée des procédures à suivre pour chaque grande plateforme : transformation en compte commémoratif sur Facebook, suppression sur présentation d’un certificat de décès pour X (anciennement Twitter), fermeture automatique après deux ans d’inactivité chez Microsoft.
Une étude de NordPass révèle la complexité de ces démarches : seulement 36 % des plateformes numériques offrent des informations claires sur le processus de fermeture des comptes de défunts, et les proches peuvent avoir besoin de plus de vingt documents différents pour clôturer l’ensemble des comptes numériques d’une personne décédée.
Anticiper pour simplifier : les solutions préventives
Face à cette complexité croissante, l’anticipation devient une nécessité. Le décret du 29 mai 2019 complète la loi pour une République numérique en permettant à toute personne de définir des directives anticipées concernant le sort de ses données numériques après son décès. Deux types de directives peuvent être établies : les directives générales, enregistrées auprès d’un tiers de confiance certifié par la CNIL (comme un notaire), et les directives particulières, adressées directement aux responsables de traitement des différentes plateformes.
Plusieurs solutions pratiques s’offrent aux personnes souhaitant faciliter la tâche de leurs héritiers. L’utilisation d’un gestionnaire de mots de passe sécurisé permet de centraliser l’ensemble des accès numériques. La rédaction d’un « testament numérique » auprès d’un notaire garantit la transmission ordonnée des identifiants et des volontés concernant chaque compte. Des plateformes spécialisées comme Kayz (anciennement Mes Volontés) proposent de stocker ces informations sensibles dans un coffre-fort numérique accessible aux proches désignés après le décès.
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Décès, résiliation ligne mobile, un accompagnement nécessaire des familles
La gestion des abonnements téléphoniques et de l’eSIM des personnes décédées s’inscrit dans un contexte de transformation numérique profonde de notre société. Si le cadre juridique français offre des garanties solides aux héritiers, avec notamment la qualification du décès comme motif légitime de résiliation et la gratuité de cette démarche, la multiplication des services numériques et l’évolution technologique vers l’eSIM complexifient le parcours des familles endeuillées.
Les opérateurs télécoms, les plateformes numériques et les pouvoirs publics ont un rôle crucial à jouer dans l’accompagnement de ces démarches. La CNIL, Service-Public.fr et les associations de consommateurs mettent à disposition des ressources précieuses, mais leur visibilité reste insuffisante. L’éducation du grand public à la préparation de son héritage numérique constitue sans doute le levier le plus efficace pour réduire la charge administrative pesant sur les proches dans ces moments difficiles.
Dans un pays où le nombre de décès continuera d’augmenter structurellement dans les années à venir, la simplification de ces procédures représente un véritable enjeu de service public, à l’intersection du droit de la consommation, de la protection des données personnelles et de l’accompagnement du deuil.
Sources et références
• INSEE – Les décès en 2024 et en séries longues (données définitives, octobre 2025)
• CNIL – Mort numérique : quels sont vos droits ? (cnil.fr)
• Service-Public.fr – Résilier un abonnement téléphonique ou internet de la personne décédée
• Loi n°2005-67 du 28 janvier 2005 (Loi Chatel)
• Loi n°2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique
• Décret n°2019-536 du 29 mai 2019 relatif aux données personnelles post-mortem
• Article L.121-84-2 du Code de la consommation
• Enquête Harris Interactive-CNIL (novembre 2024)
• Oxford Internet Institute – Étude sur les réseaux sociaux et la mortalité (2019)
• NordPass – Étude sur la gestion de l’héritage numérique









